la bataille des Arapiles

Publié le par Hervé Giordanengo

 

LA BATAILLE DES ARAPILES, CHAMP D’HONNEUR DU 101EME DE LIGNE

 

Par Hervé Giordanengo, membre du Souvenir Napoléonien, auteur de Pont D'Ain De La Revolution Au 1er Empire : Une Commune De L'Ain, De La Révolution Au Premier Empire, édition de la Catherinette, 2008

 

Deux batailles se sont déroulées sur ce site espagnol en 1812. La première, la plus connue car elle annonça le déclin de l’armée française dans la péninsule ibérique, se déroula le 22 juillet et se termina par une défaite. La seconde,  plus confidentielle et rarement citée, se déroula le
13 novembre de cette même année et se conclua par le repli des anglais qui cherchaient à échapper aux troupes de Napoléon. C’est la première bataille qui est abordée dans les lignes qui suivent.

Nous sommes le mercredi 22 juillet 1812, à une dizaine de kilomètres au sud-est de Salamanque, d’où le nom de cette ville donnée à cette bataille par les anglais. Devant nous se trouve une vaste plaine espagnole brûlée par le soleil le jour, grelottante de froid la nuit. Cette plaine est dominée par deux collines inégales : « los arapiles », séparées par un plateau. Depuis le 18 janvier et la perte de Ciudad-Rodrigo, l’armée du Portugal commandée par le maréchal Marmont, duc de Raguse, se retire en direction de Madrid devant l’avancée de l’armée anglo-hispano-portugaise commandée par le duc de Wellington. Marmont cherche à ralentir la progression de l’ennemie en le harcelant et va le rencontrer en ce lieu. Son intention est d’enlever l’arrière-garde ennemie sans en arriver à une bataille rangée.

Pour ce faire, il dispose de 49.647 hommes et 78 canons auxquels s’y ajoutent des éléments de l’artillerie, du génie, de la gendarmerie et du train des équipages. En face, quant à lui, le duc de Wellington dispose de 51.939 hommes et son artillerie.

 

La bataille

Il est treize heures. Depuis le matin, le maréchal Marmont a positionné les troupes françaises sur et autour de la plus grande des deux collines des Arapiles. La 8ème division Bonnet occupe le principal des deux mamelons constituant la colline. La 1ère division Foy est sur la droite et la 3ème division Ferey est en soutien de cette dernière. Les dragons de Boyer sont derrière en deuxième ligne. La 7ème division Thomières occupe la têtes des bois sur le flanc de la colline, face à l’ennemi, où il dispose ses 20 canons. Le reste de l’armée est positionné derrière la colline, en réserve. De son côté, Wellington porte à sa droite la division Pakenham et une brigade de cavalerie. Il fait occuper le village des Arapiles. L’infanterie espagnole de don Carlos et la brigade portugaise Bradford bouchent l’intervalle entre son centre et sa droite. Wellington a positionné une partie de la division Cole en face de Bonnet. Les petites Arapiles dont tenues par la division Leith avec à sa gauche le reste de la division Cole et la brigade portugaise de Pack. Les divisions Hope et Clinton sont en deuxième ligne, la cavalerie de Le Marchand et de Victor Alten sont en réserve.

Marmont fait entreprendre une manœuvre compliquée à l’armée française afin de contourner l’aile droite de l’ennemi dans le but de couper la retraite des Alliés sur la route de Ciudad-Rodrigo. La 5ème division du général Maucune reçoit l’ordre de se diriger par les collines vers le plateau de Miranda d’Azan et la division Thomières doit appuyer ce mouvement. La division Brennier prend position à la place de Thomières et un régiment de la division Bonnet se porte sur un mamelon intermédiaire entre le grand plateau et les petites Arapiles.

En face et du haut de leur colline, Wellington et les Alliés observent toutes ces manœuvres qui s’effectuent avec beaucoup d’irrégularités.

Vers seize heures trente, Marmont se porte lui même sur la ligne de feu pour corriger les erreurs et fait intervenir les divisions Ferey et Sarrut. Il reçoit alors un éclat d’obus qui lui fracasse le bras et lui ouvre le flanc. Il doit céder le commandement au général Bonnet. Les Alliés saisissent ce moment de flottement pour jeter le gros de leurs forces sur le centre français dégarni.

Wellington dirige la divison Pakenham, deux brigades d’artillerie et quelques escadrons de la cavalerie de d’Urban contre les français en marche sur Miranda d’Azan. Une nouvelle ligne de bataille est formée : les deux divisions Campbell et C. Alten forment la nouvelle aile gauche et font face aux Arapiles françaises, les divisions Cole et Leith sont établies à leur droite. Les divisions Clinton et Hope sont à droite sur cette nouvelle ligne et les espagnols de don Carlos forment la réserve.

Vers dix-sept heures, les anglais de Pack, Cole et Leith, soutenus par Clinton et Hope, attaquent de front les français. La division de Bonnet est rejetée et Bonnet qui venait de recevoir le commandement de l’armée est lui-même blessé. Débouchant du village des Arapiles, les anglais tombent sur la division Brennier qui est en partie détruite, puis sur celle de Thomières qui subit le même sort. Thomières perd 3.000 hommes et est tué. Maucune qui accourt en renfort a peine à se dégager et doit se replier. La cavalerie anglaise de Cotton achève la déroute française.

Avec Bonnet blessé, l’armée française reste un moment sans direction. Le général Clauzel prend alors le commandement. Il entreprend de rassembler sa gauche et son centre et la division Ferey afin de renverser la situation. Les anglais de Pakenham et d’Urban rejettent la  gauche française avec de grosses pertes. Avec les troupes en partie intactes de Sarrut, de Brennier et de Ferey, Clauzel forme alors une masse compacte, soutenue par la cavalerie, et couvre la ligne de retraite sur Alba de Tormès. La division Foy, qui forme l’aile droite et la division Maucune à sa gauche, se reforment derrière les grandes Arapiles.

Clauzel reprend alors l’offensive et un instant rétablit la situation. Ferey aborde la division Cole où ce dernier a été grièvement blessé au début de la bataille, Maucune menace le flanc et les arrières de cette même division, Brennier se jette sur Leith, et Boyer accourt avec ses dragons. Côté Alliés, Leith et Beresford sont blessés.

Mais Wellington intervient en personne avec la division Clinton. Les anglais reprennent la partie sud des grandes Arapiles après une lutte acharnée. Le général Ferey est tué, Clauzel est blessé, la cavalerie de Boyer est rompue et la division Packenham déborde la gauche française. Maucune lâche prise et abandonne les grandes Arapiles. Foy se replie et couvre la retraite de l’armée française. Maucune l’imite en prenant position avec ses 15 canons en avant des bois.

Vers dix-huit heures, ces deux divisions, appuyées par quelques escadrons, se dégagent. Clauzel sauve ce qui reste par une habile retraite. Plus tard, la nuit met fin à la poursuite.

Les Arapîles constituent un tournant décisif dans la guerre d’Espagne, la défaite entraînant l’évacuation de Madrid et de l’Andalousie.

 

Les pertes

Pertes françaises : 2.000 tués – 3.000 blessés dont Marmont, Bonnet et Clauzel – 2 Aigles prises par l’ennemie (22ème et 101ème de ligne) – 6 drapeaux (26ème, 66ème et 82ème de ligne) et 12 canons. Une nouvelle aigle sera envoyé au 22ème de ligne à son dépôt de Mayence en 1813.

Officiers supérieurs tués :

Général Desgraviers-Berthelot, commandant la 1ère division de l’armée du Portugal

Général Ferey, commandant la 3ème division de l’armée du Portugal

Général Thomières, commandant la 7ème division de l’armée du Portugal

Adjudant-commandant Clerc-Grumet Montpie dit Clerc de Montpie, employé à l’armée du Portugal (blessé mortellement)

Colonel Molard, 6ème léger (blessé mortellement)

 

Pertes anglo-hispano-portugaises : 694 tués dont le général Le Marchand, 4.270 blessés dont les généraux Cole, Leith, Beresford, Cotton et Alten.

 

Une succession de malheurs

Rien au départ ne prédisposait à ce que le sort des armes tournât à l’avantage des Alliés. L’infériorité numérique des français (2.000 hommes environ) n’était pas insurmontable. Les français l’ont prouvé à maintes fois. Leur intrépidité et leur ardeur au combat renversaient souvent des situations difficiles. Ce jour là, les combats ne devaient se limiter qu’à une simple escarmouche d’arrière-garde. Mais Marmont fit entreprendre une manœuvre difficile, qui plus est sous les yeux de l’ennemie, donc sans aucun effet de surprise. Son exécution , semble-t-il, fut laborieuse. Maucune aurait engagé le combat trop précipitamment sans en avoir reçu l’ordre. Marmont vint lui-même rectifier les erreurs et s’exposer sur la ligne de feu. Il eut la malchance d’être la cible de l’ennemie. Privé de son chef hors de combat, puis, un malheur s’ajoutant à un autre, de plusieurs de ses cadres eux aussi blessés ou tués, l’armée s’est retrouvée un long moment comme un bateau sans capitaine. Un trop long moment que mirent à profit les Alliés. Enfin, le manque de cavalerie, selon Marcel, fut préjudiciable à l’infanterie française qui manqua d’appui et de protection lors de ses manœuvres.

 

Remerciements à Miguel Angel Garcia pour ses informations de terrain

 

 

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